Terrariums (Romain Benassaya)

Éditeur : Critic

Année : 2023

Nombre de pages : 537 (gros pavé)

Genre : space-opera

Mon avis : Très, très bon ! Encore une tuerie de Romain Benassaya.

Résumé : Cora se réveille dans un endroit inconnu, sans se rappeler qui elle est ni ce qu’elle fait là. Au fil du temps, elle se remémore des bribes de son passé : elle et les autres survivants, amnésiques et prisonniers comme elle, ont activé sans le savoir un mystérieux mécanisme extraterrestre, qui pourrait bien être la cause de leur situation…

Stop, lâchez tout et allez acheter ce livre ! C’est LA sortie SF de l’année.

Vous le savez : depuis Pyramides, je suis fan de Benassaya. C’est l’un des rares auteurs de SF francophones qui me fait sentir la même impression de gigantisme, d’horreur viscérale et d’émerveillement que j’ai ressentie avec Dan Simmons. Et dans ce roman, il a poussé les curseurs au max ! Si vous avez été soufflé par Pyramides… c’est Pyramides, puissance mille !

Pourtant, si on a déjà lu des romans de l’auteur, on se retrouve un peu en terrain familier. À tel point que je conseillerai à ceux qui ne l’ont jamais lu de commencer par Terrariums (au risque, ensuite, d’être un peu déçu par Pyramides, qui donne moins de réponses que Terrariums).

1) Terrariums a en effet repris certains éléments de Pyramides : déjà, ça se passe dans le même univers. Ensuite, les protagonistes se retrouvent encore une fois dans une structure à laquelle ils ne comprennent rien. Dans Pyramides, le mystère était cette structure en elle-même. Ici, c’est carrément l’identité des protagonistes qui est questionnée… vous verrez comment, et si l’idée n’est pas nouvelle, c’est vraiment brillant ! Le roman explore la figure du döppelganger, le double maléfique, d’une façon originale et intelligente. Il questionne aussi ce qui fait l’individu : ses souvenirs, son unité globale en tant qu’organisme ? Et peut-on dire, si on transfère les souvenirs de quelqu’un dans un clone, que c’est la même personne… ? S’agit-il d’immortalité, ou d’autre chose ? Et qu’est-ce que la conscience ? Un clone peut-il en avoir une ? Ces interrogations au cœur du roman m’ont hanté pendant pas mal de temps. Dans ce questionnement sur l’immortalité et l’individu, j’ai retrouvé un peu de Dan Simmons, notamment dans le passage de l’évacuation de la Terre par les derniers humains au milieu du bouquin (quelle scène !) qui, dans son horreur, m’a rappelé le prix payé par les pilotes des vaisseaux Archanges dans Endymion… il y a aussi ce côté « space horror » chez Benassaya qui est particulièrement réjouissant. J’ai retrouvé aussi un peu du mystère de Arthur C. Clarke (la scène avec la mémoire fantôme sur la Lune m’a rappelé la nouvelle La Sentinelle) et aussi un peu de Serge Lehman époque « Aucune étoile aussi lointaine ». Le flou entretenu sur ce qui est humain ou non, conscient ou non, m’a évoqué les manga de Nihei (qui s’est nourri tous les classiques de SF). IA sensibles, fantômes d’infosphères, clones, réincarnations… à la fin, on ne sait plus trop qui est humain ou pas, et même si c’est important. Du coup, c’est pas super nouveau au niveau du world-building, mais si vous aimez ce genre de références, c’est un vrai plaisir de lire ce roman ! 

2) D’autant plus qu’il est très bien foutu et toujours très clair, grâce, notamment, aux symboles en tête de chapitre qui nous aident à nous repérer. La construction du roman, qui alterne saut dans le passé et retours dans le futur, est impressionnante de maîtrise : chaque chapitre nous permet de comprendre le précédent et soulève de nouvelles questions, de nouveaux enjeux. En dépit de la complexité de la trame narrative des personnages et des échelles de temps et d’espace colossales (il y a beaucoup de choses qui m’ont fait penser à Blame ! de Tsutomu Nihei dans ce roman, notamment les passages d’ascenseurs qui parcourent des milliards de kms), ce roman est très facile à lire. Mieux : il se dévore ! J’ai lu ces 537 pages en une journée… impossible de le lâcher ! Les péripéties s’enchaînent, de façon à ce que les déboires et les mystères du début nous paraissent vite dérisoires : il y a un petit effet « Dragon Ball », avec des problèmes qui s’accumulent et deviennent de plus en plus énormes… La fin, un peu précipitée, fait l’effet d’un rollercoaster fou. Mais on a tellement envie de connaître la chute qu’on se précipite : pour ma part, j’étais en apnée ! Et cette fois, l’auteur nous donne généreusement toutes les réponses : il ne nous laisse pas en plan comme dans Pyramides. 

3) Certains critiques ont trouvé les personnages creux et inexistants, mais j’ai eu le ressenti inverse. J’aime particulièrement la capacité de Benassaya à brosser le portrait de personnages féminins à la fois brillants et inquiétants. Justine, je l’ai détestée un tiers du roman, puis crainte, et admirée à la fin… en tout cas, elle est dure à oublier ! Quel destin ! J’ai beaucoup aimé aussi les personnages non-humains, comme l’IA Aby, et l’Archéologue, deux personnages qui, dans leur traitement, m’ont encore une fois rappelés des personnages de Lehman.

Bref, je le répète : si vous devez lire un roman de SF cette année, lisez celui-là !