✨Interview d’auteurice : Sacha Morage✨

Sacha Morage et son roman qui sort le 5 mars chez Plume Blanche, La Voix de la Vengeance.

Merci d’avoir accepté de répondre à cette interview. Pour commencer, une petite question sur ton nom d’auteur : est-ce un pseudo et si oui, d’où vient-il ?

Oui c’est un pseudo, pour séparer ma vie d’autrice de ma vie privée. Il y a eu pas mal de brainstorming, avec mon copain et ma sœur qui avaient chacun un veto qu’ils ne se sont pas privé d’utiliser fréquemment haha.

Depuis quand écris-tu, et qu’est-ce qui t’as donné envie d’écrire ?

Je peux retracer mes tous premiers textes à la primaire. J’adore lire, et j’ai toujours lié la lecture et l’écriture : écrire, c’est lire différemment, vivre une histoire d’une manière similaire à la lecture, sauf qu’on a tout le contrôle créatif, et que l’on peut développer l’histoire comme on le souhaite (et c’est TROP BIEN). Ça a donc toujours été pour moi un moyen de continuer de vivre ma passion de la lecture et de voyager dans des mondes imaginaires.

D’ailleurs, dans beaucoup des histoires que j’écris, il y a souvent un élément qui répond à quelque chose que je n’aime pas lire, et dont je prends le contre-pied, ou, au contraire, quelque chose que j’aimerais lire plus souvent mais que je ne vois pas assez à mon goût ! Bref j’écris pour lire les livres que j’aimerais lire.

Pitche-nous de ton premier roman en trois ou quatre phrases…

On suit une jeune femme, qui, après avoir vu son frère mourir devant ses yeux, n’a plus que l’idée de vengeance en tête – et ce, alors que le meurtrier est inaccessible, puisqu’il fait partie d’une organisation puissante et violente au-dessus des lois. Cette obsession consume l’héroïne, « comme un poison » disait une chronique : elle se met dans des situations de plus en plus difficiles, part sur des plans de plus en plus risqués, elle ment, manipule, trahit, et oublie toute morale. Et ça dérape.

En parlant de ce premier roman, c’est un vrai succès ! Est-ce que tu t’y attendais, ou c’est la grosse surprise ?

Pas vraiment. Mon parcours de soumissions éditoriales ne laissait pas présager grand-chose : il s’est résumé en une majorité de ghostages. Les deux seuls refus personnalisés que j’ai eu la chance de recevoir parlaient d’une héroïne trop « froide » pour plaire au public. J’avais conscience que c’était un risque je prenais, et, comme tous les risques, ça peut passer, mais ça peut aussi casser. 

Je suis donc extrêmement contente que, non seulement, ce soit justement cette idée d’une anti-héroïne qui semble créer l’enthousiasme chez les gens, et qu’en plus, les retours de lecture soient très positifs à son sujet. 

La genèse de ce roman : comment as-tu eu l’idée ?

Je venais de déménager en Norvège en plein milieu de l’hiver : je voulais écrire une histoire qui se passerait dans un Archipel méditerranéen (avec un twist qui serait un spoil du roman). Puis, à l’époque, il y avait un concours d’écriture intitulé « Mille et une voix » : cela m’a donné l’idée d’une magie de la Voix, et dont les utilisateurs légaux seraient limités en nombre – mille – et numérotés. 

J’avais donc mon univers et mon contexte. À ça s’ajoutait un bouillonnement créé par des lectures récentes m’ayant marquée : des personnages principaux dont j’avais adoré l’aspect obsessionnel (Rin dans Poppy War, Tau dans Rage of the Dragons), ou, à l’inverse, des héroïnes vendues comme « morally gray » qui se révélaient gentilles et finalement moralement droites, à ma grande déception. J’avais aussi lu une saga géniale en ligne, Worm de Wildbow, avec une anti-héroïne dont je n’avais absolument pas vu l’aspect « morally gray », tellement j’étais derrière elle. Réaliser cet écart entre mon expérience de lecture et la réalité de personnage a été une belle leçon de storytelling. Je voulais donc jouer avec ça : un personnage mauvais, sans empathie, qui prend les autres pour des pions, mais que j’essaierais de rendre si proche du lecteur que ce dernier pourrait valider l’intégralité de ce qu’elle ferait, en oubliant son propre code moral. C’était mon défi.

Enfin, mes romans précédents m’avaient posé des soucis de construction car j’ai trop tendance à m’éparpiller : il me fallait une intrigue simple, qui ne volerait pas la vedette à mon anti-héroïne. La vengeance me semblait cocher toutes les cases : c’est simple, linéaire, le climax est sous-entendu dès la première ligne, et cela pose déjà de multiples questions morales.

Le parcours édito : tu as remporté le concours des Murmures Littéraires et ils ont soumis ton manuscrit à Plume Blanche, partenaire du concours, c’est ça ?

Oui ! Sans les Murmures Littéraires, je n’aurais pas été publiée en maison d’édition, je pense, et je leur en suis très reconnaissante. Plume Blanche avait d’ailleurs refusé mon manuscrit quelques mois plus tôt. Mais la maison d’édition était partenaire du concours des Murmures, et l’éditrice a accepté de réétudier mon manuscrit lorsque l’équipe de coordination du concours lui a envoyé mon roman lauréat.

Je t’ai rencontrée au speed-editing des Imaginales (édition 2022). Est-ce que tu veux bien revenir sur cette expérience ? Comment ça s’est passé pour toi ?

J’ai participé aux speed-editing des Imaginales en 2021. Je rejoins entièrement ton post sur le sujet, avec lequel je suis 100% d’accord. C’est une expérience extrêmement intéressante pour comprendre comment le milieu de l’édition SFFF fonctionne, pour toucher cette industrie du doigt. Par contre, comme canal de publication, ce n’est pas tellement plus fertile qu’une soumission par email. 

Je te connais également du forum Jeunes Écrivains. En quoi ce forum a-t-il pu te renseigner sur le milieu de l’édition, les pièges à éviter, etc. ?

Je recommande à tous les aspirants à l’édition traditionnelle de s’inscrire sur un forum tel que Jeunes Écrivains. J’ai beaucoup appris en suivant les itinéraires éditoriaux des membres. C’est rassurant de pouvoir retrouver des expériences similaires aux nôtres, de pouvoir échanger sur nos frustrations, mais aussi de lire des success stories qui montrent que c’est possible, et qui permettent de voir ce qui fonctionne ou pas. Cela permet de perdre rapidement ses illusions et sa naïveté, et d’approcher ce milieu d’une manière plus rationnelle et stratégique. 

D’ailleurs, c’est sur ce forum que j’ai appris l’existence des Murmures Littéraires. On peut donc dire que je n’aurais pas été publiée, littéralement, sans Jeunes Écrivains. Et puis, j’ai rencontré de merveilleuses personnes, ce qui est un bonus non négligeable ❤

Tu sembles mener ta communication sur les RS d’une main de maître. Un petit conseil à nous donner ?

Ça me fait vraiment plaisir quand on me dit ça, surtout que c’est un investissement en temps conséquent – et qu’il est difficile de savoir quelle est l’image que l’on renvoi de l’extérieur. 

Je pourrais écrire des dizaines de milliers de mots sur les RS, mais je vais rester brève. 

J’aborde déjà les réseaux avec l’idée que ce sont des espaces sociaux, où l’on interagit avec des gens. De manière crue, je suis là pour me faire des amis (et je m’en suis fait !). Je pense qu’avoir cette approche « humaine » permet de plus facilement être « vrai », authentique, et ne pas ressembler à un bot marketing. 

Après, ce serait mentir que de dire que c’est suffisant… nous sommes sur des plateformes tierces régies par des algorithmes. Il faut donc aussi comprendre leur fonctionnement pour créer du contenu qui correspond non seulement à ces règles techniques, mais aussi à ce que les gens aiment consommer sur ces plateformes. 

J’adore les chiffres et les analyses : j’essaie toujours de comprendre pourquoi mon contenu marche ou floppe. Je ne pense pas qu’il faille le prendre personnellement lorsqu’une publication ne fonctionne pas : ce n’est jamais un jugement de valeur sur notre personne, mais uniquement sur un contenu précis et sa forme. Le rôle des algorithmes est de s’assurer que les utilisateurs restent le plus longtemps possible sur la plateforme. Ils vont donc pousser le contenu qui fait rester les utilisateurs, et enterrer le reste. Après, comment l’algorithme classifie un contenu comme efficace ou non, ça va dépendre de la plateforme, et ça va être plus ou moins pertinent haha. De même, les gens ont des habitudes de consommation différentes sur l’un ou l’autre des réseaux, habitudes qui évoluent aussi dans le temps. J’essaie donc de comprendre le fonctionnement des réseaux, les attentes, d’analyser ce qui fonctionne ou pas pour m’améliorer, et, surtout, pour proposer un contenu que les gens vont aimer consommer. Ici encore, à la fin, le facteur le plus important, ce sont les gens. Si une publication ne fonctionne pas, au fond, c’est qu’elle n’a pas intéressé les gens. J’essaie toujours de penser à eux, de ne pas leur faire perdre leur temps, de me mettre à leur place. Parfois ça marche, parfois ça marche pas : c’est pas grave, le but est juste d’essayer de toujours s’améliorer.

Aussi, personnellement, je ne me compare pas aux autres comptes. Je compare mes publications entre elles (« pourquoi celle-ci a fait plus que celle-là ? est-ce que c’est le thème ? la forme ? qu’est-ce que les gens ont préféré ? pourquoi celle-ci n’a pas fonctionné ? ») mais jamais avec celles des autres. D’abord car c’est le meilleur moyen de se sentir inadéquat, mais aussi car ce n’est pas toujours utile : les gros comptes fonctionnent différemment des petits comptes, et entre comptes de la même taille, il vaut mieux avoir sa propre voix que de chercher à se positionner similairement à d’autres. 

Enfin, je terminerais par dire qu’il vaut mieux s’installer sur des plateformes que l’on aime soi-même en tant qu’utilisateur. Par exemple, je ne vais jamais sur Youtube, donc je ne me lancerai pas sur Booktube, car je ne connais pas du tout ce milieu. À l’inverse, j’adore consommer Booktok. C’est donc aussi là que je me sens le plus à l’aise. 

Enfin, de manière très pragmatique, pour Instagram, je recommande fortement un abonnement Canva pro, et la lecture de The Non Designer’s Design Book (https://www.amazon.fr/Williams-Non-Designers-Revised-Nov-2014-Paperback/dp/B01DHEY4HK), extrêmement utile pour expliquer de manière très concrète les règles « bêtes » du design, ce qu’il faut faire ou ne pas faire en graphisme. C’est impressionnant comment suivre très bêtement ces règles, même si on ne les comprend pas tout de suite, a un effet immédiat sur l’esthétisme de nos productions graphiques. 

As-tu déjà eu recours à des bêta-lecteurs ?

Oui, très souvent, que ce soit pour mon roman ou mes nouvelles ! La Voix, mon roman, a eu le droit à plusieurs vagues de bêta-lecture. Suite à la première vague, j’ai fait une grosse réécriture structurelle, qui a énormément amélioré le roman. La deuxième vague de bêta-lecture était d’ailleurs bien plus positive et enthousiaste, et les corrections ensuite étaient plus à la marge. 

C’est pour moi extrêmement important d’avoir des retours extérieurs qui permettent de comprendre comment le roman est reçu, si les effets que l’on a cherché à produire fonctionnent ou pas, et d’identifier comment maximiser encore l’impact de l’histoire.

Tu as également publié des nouvelles. Où et comment ? Peux-tu nous en dire plus ?

J’ai publié plusieurs nouvelles, chez Etherval, un magazine tenu par une association bénévole, deux chez AOC, dans le cadre de leur concours annuel Vision du futur, et une autre dans l’anthologie Inventions et Jeux de pouvoir d’Oneiroi.

J’aime beaucoup le format court, et participer à des appels à textes fut à la fois très bénéfique pour développer certaines de mes compétences d’écriture, comme apprendre à dire beaucoup en peu de mots, mais aussi pour découvrir le monde de l’édition : ce furent mes premiers refus, mes premiers contrats, mes premières corrections éditoriales, mes premiers salons… je recommande fortement l’expérience aux aspirants à l’édition traditionnelle.

Un roman qui t’a marqué cette année, et pourquoi ?

Très difficile d’en choisir un… j’en ai adoré plusieurs en SFFF, que ce soit Engélion tome 2, EmblèmesFleurs d’Oko… j’aime tous les romans qui me font voyager, avec des personnages complexes et émouvants. 

Pour éviter de devoir choisir, je partirais sur un classique hors imaginaire : Rebecca de Daphné du Maurier. J’ai été frappée comme je l’ai rarement été par la richesse du texte et ses différents niveaux de lecture. À quel point, en surface, c’est une romance avec une vision conservatrice de la femme, mais, lorsqu’on creuse, il y a une lecture opposée, féministe, une tragédie et une vengeance en même temps, qui montre le personnage masculin principal dans tout son pathétique, et met en lumière l’étouffement de la femme. Et ces deux lectures se répondent, s’opposent, se contredisent, se nourrissent, en reflet peut-être des propres interrogations de l’autrice. 

Quand une lecture comme ça me frappe, me fait réfléchir, me fait toucher à un aspect de la nature humaine dans toute sa complexité et ses errements et ses ténèbres… c’est tout ce que je recherche et que j’aime dans la littérature. 

Quel sera ton prochain projet ? 

Une dark academia (à ma sauce !) où une jeune étudiante trouve un tarot maléfique, l’utilise de plus en plus, pour un coût qui ne fait que grandir, et sans réaliser qu’elle se fait manipuler…

Pour finir, comment vois-tu tes projets et ta carrière évoluer en 2024 ? As-tu des rêves d’auteure ?

Déjà je veux voir comment va se passer la sortie de mon premier roman, les rencontres avec les lecteurs en salon…. C’est déjà génial tout ça, la réalisation du rêve de la publication. Ensuite, sur le long terme, j’aimerais pouvoir en faire une carrière : publier régulièrement, trouver mon lectorat, et, un jour, en vivre. Mais bon, il va falloir être patiente !

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Infos

Titre : La Voix de la Vengeance

Editeur : Plume Blanche

Année : 2024

Genre : fantasy

Résumé :

Vaelle a tout perdu.

Son frère d’abord, égorgé sous ses yeux. Son futur ensuite, puisqu’elle est désormais traquée par le puissant Bureau pour usage illégal de sa Voix. 

Il ne lui reste qu’une chose : la vengeance. Elle se le promet : elle tuera Yervain, le membre du Bureau responsable du meurtre de son frère. Quel qu’en soit le prix. Peu importe les conséquences. 

Son obsession pour Yervain l’entraîne de plus en plus loin, dans des sacrifices de plus en plus sanglants, et des ténèbres de plus en plus obscures. Jusqu’au point de non-retour.

Prix : 20 euros

Site éditeur : https://plumeblanche-editions.fr/boutique/livres/239-la-voix-de-la-vengeance.html

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