Une cosmologie de monstres (Shaun Hamill)

« Avec un titre pareil, il était fait pour toi », m’a gentiment moqué un pote sur Threads.

On retrouve effectivement tout ce que j’aime dans ce livre : le mystère, l’horreur, le côté page-turner, mais aussi une forme de poésie et de beauté. Et une belle histoire d’amour en prime, atypique à souhait !

Dans ce roman impossible à lâcher, on suit une famille sur plusieurs décennies. Une famille en proie à la folie, à l’injustice, aux crises économiques, à la bigoterie et surtout, aux ténèbres. Un couple et leurs enfants qui ont décidé de vivre leurs rêves, même si ça leur coûte toutes leurs ressources, y compris mentales, et qui sont prêts à payer le prix du génie par la solitude et la folie… 

Les Turner pourraient être une famille américaine comme les autres. Ils pourraient, s’ils n’étaient pas gérants d’une maison hantée, le rêve réalisé post-mortem du patriarche Harry, un rêveur inconditionnel de Lovecraft. Ou si la fille aînée n’avait pas disparu mystérieusement, si la seconde n’était pas un petit génie accouchant d’univers aussi oniriques qu’inquiétants, ou encore, si le petit dernier n’était pas visité toutes les nuits par une créature issue des pires cauchemars… Quel secret cachait leur père, mort trop tôt ? Une folie congénitale, transmise à tous ses descendants, ou une affinité mystérieuse avec les forces de l’autre-monde ? La seule personne à pouvoir le découvrir semble être le fils cadet des Turner, Noah.

– L’ambiance, celle d’un bon roman d’horreur de la grande époque, et l’univers original créé par Shaun Hamill, aussi beau qu’effrayant (avec un petit côté Stranger Things aussi !)

– l’histoire d’une famille pas comme les autres qui s’aime et se déchire sur fond d’affrontement avec les forces de l’outre-monde, ce qui m’a fait penser au magnifique Notre part de nuit de Mariana Enriquez. 

– Le fait de suivre le point de vue d’un petit garçon qui semble être le seul lucide face à la menace surnaturelle qui assiège sa famille, un peu comme dans les meilleurs Stephen King !

– La peinture de l’Amérique, des années 60 à notre époque, émaillée de nombreuses références à la pop culture et une critique acerbe des dérives intolérantes des bigots, des moralistes, du politiquement correct et des bien-pensants.

– La déclaration d’amour que fait l’auteur au genre du fantastique/horreur, un hommage à ses créateurs et à ses amateurs, artistes souvent incompris. C’est ce dernier aspect qui m’a sans doute la plus émue, avec le personnage du père, notamment, collectionneur passionné de Weird Tales, inventeur fou de maisons hantées et fan presque pathologique de Lovecraft. Les références à cet auteur qu’on invoque un peu à tort et à travers ces derniers temps ont tendance à me lasser, mais ce roman parle des œuvres du maître de Providence comme personne ! Et il s’en émancipe bien vite : ce roman n’est pas un redite des mondes lovecraftiens comme chez Bloch ou Derleth. 

Je remercie Albin Michel Imaginaire pour ce service presse : je ne comprends toujours pas comment j’ai pu passer à côté de cette gemme ! 

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